Mes débuts au féminin dans mon entreprise

Bonsoir Claire,
À la veille de ta troisième semaine de travail en tant que femme, je viens te souhaiter plein de courage ( mais je sais bien que tu n'en manques pas...)
Je suis sûre que tu vas établir de nouvelles complicités féminines, faire de belles rencontres et -qui sait?- tomber amoureuse... ;=)
Bise

Michelle affirme l'impossibilité de faire des allers-retours, "comme certaines l'évoquent". Je crois qu'il faut bien distinguer entre le passage complet à l'autre genre (Michelle, Claire, Jacqueline et d'autres encore) et celles qui font effectivement des allers-retours, comme moi par exemple. Ce n'est évidemment pas du tout la même problématique !
Michelle parle d'un "apprentissage du genre féminin" ; je parlerais plutôt d'une appropriation progressive des codes du genre féminin, mais le genre féminin lui-même vous l'aviez en vous, sinon vous n'auriez pas pris ce chemin. Bien d'accord avec toi, Michelle, pour parler de construction progressive de votre statut social et donc de votre personnalité sociale, d'assimilation progressive des comportements EXTERIEURS féminins (tout ce que Claire évoque, par exemple, sur la façon de travailler, de dialoguer, de rire entre femmes....)
Mais pour moi, cela ressemble un peu à un enfant apprenant à marcher, à parler, à se comporter avec autrui ; l'enfant n'apprend pas à être enfant, il l'est , un point c'est tout. Les authentiques transgenres SONT femmes et veulent simplement adapter leur existence à leur essence.
Et Sophie, mine de rien, prolonge le débat sur le thème "dans quelle mesure change-t-on de goûts, d'idées, de caractère en passant au full time" (là-dessus l'opinion va de "rien" à "beaucoup de choses"), en souhaitant à Claire de "tomber amoureuse" : d'une façon générale, quelle modification de la sexualité cela entraîne-t-il ? Sujet délicat, mais qu'on peut traiter avec élégance....

Merci Sophie. Je suis optimiste. Un événement attendu cette semaine : je dois déjeuner avec une collègue qui a fait comme moi à partir de janvier dernier. On ne se connaît pas mais j'espère une belle découverte.
Et je suis sûre qu'il y aura bien aussi quelques rejets de ma condition dans les semaines à venir.

Quant à l'appropriation des comportements féminins, il faudra trier pendant les interactions sociales : ce qui relève des atomes crochus qui aidera (loisirs, opinions, etc.), ce qui relève de l'âge (une de mes conversations était avec de jeunes femmes et je sentais le même décalage vécu avec des hommes auparavant), ce qui relève de l'humour qui me semble être le plus délicat, etc. Mais, étant davantage animée par le yin que par le yang, dans mon cas, surtout plus par la sensibilité et la contemplation que par l'action, je me sens des fondamentaux féminins déjà bien en place.

Sinon, l'amour ne me préoccupe pas. J'ai bien d'autres actualités à gérer. Je compte aussi rester célibataire. Il paraît que c'est quand on affirme cela que ça vous tombe dessus sans crier gare. Quant à ma sexualité, elle est multiple, en évolution et je m'abstiendrais de tout pronostic. Mon plus grand problème est mon rejet voire dégoût des hommes alors que sexuellement ils ont une valeur à mes yeux. C'est un sujet que j'aborderai sous peu avec ma psy : comment gérer la complémentarité homme-femme mais aussi la contradiction, ou bien encore comment aimer quand on n'estime pas ?

Premier anniversaire de ma vie professionnelle en Claire : un mois s'est écoulé !

Des collègues toujours aussi neutres à mon égard, "neutres" ne signifiant rien de négatif mais juste que je ne ressens pas de différence de comportement de leur part. Leur comportement aurait pu être le même s'il m'avaient découvert au masculin.

Il y a 10 jours, en allant au travail, j'ai vraiment réalisé que ce n'était pas un rêve. J'ai cumulé le changement de visage, de coiffure, de vie professionnelle, l'absence de vie au masculin en quelques jours. Cela fait beaucoup à intégrer. Je crois que c'est presque fini. Et donc, en marchant du parking à mon bureau, au soleil, en jupe, j'étais juste heureuse. Je n'ai plus à me préoccuper des réactions des autres donc moins de vigilance qui m'épuisait les premiers jours. Il me reste cependant à me surveiller quant à mes réflexes archaïques, de moins en moins présents. Tout de même, lorsqu'une nouvelle s'est récemment présentée à moi, j'ai failli lui répondre avec mon prénom masculin !

Le vrai sujet reste ma voix. Même si je ne reçois que des louanges à ce sujet, je suis dans le contrôle de ma voix. Très fatiguant …

Enfin, j'ai terminé la semaine sur un séminaire d'une journée. Exercice que je connaissais bien au masculin. Voilà encore une occasion de faire ressortir les comportements réflexes masculins. Plus la journée avançait, plus je les sentais remonter, plus je devais contrôler. Cet exemple juste pour illustrer différemment que toutes les situations souvent expérimentées avant la transition me ramènent à ma masculinité passée. Comme l'accent local que certains retrouvent sans s'en rendre compte en retournant dans leur région d'origine.

Le petit plus : j'ai rencontré l'autre femme trans de mon établissement (elle a transité récemment, en janvier). Quel plaisir partagé de pouvoir échanger sur le sujet quant à l'insertion professionnelle. On sent bien que l'on a besoin de se rassurer sur les démarches internes, sur l'acceptation par les collègues. Dans ce cas, les collègues proches ne suffisent pas rompre le sentiment de solitude qui n'existe que parce que l'on se sent originale et singulière par sa transidentité. Je crois qu'on va déjeuner ensemble très régulièrement !

Merci, Claire,
pour tes témoignages, que je lis avec le plus grand intérêt.

J'imagine le bonheur que tu dois éprouver désormais au quotidien.
Je t'envie ...

Encore bravo pour ton parcours.
Tous mes vœux.
Bises
Aurélie

Merci Aurélie pour ton message.
Ce n'est pas encore le bonheur : il grandit de jour en jour, souvent de façon inattendue, quelquefois fulgurante, inondant mes yeux qui s'émerveillent d'une réalité nouvelle, insoupçonnée.

C'est important que tu ai rencontré une collègue de travail trans , vous aller pouvoir vous raconter des anecdotes et expèriences et vous soutenir moralement , c'est très important , après c'est aussi trés important de se faire des amies cisgenres pour justement s'imprégner de leur féminité .