Une consœur du vieux pays qui fait le Buzz, Clara Sorrenti.

La personne à suivreKeffals, la streameuse trans bien décidée à informer les jeunes LGBT

Chaque lundi, “Courrier international” vous invite à découvrir une influenceuse ou un influenceur. Cette semaine : Clara Sorrenti. Connue sous le pseudo Keffals sur Twitter et Twitch, la Canadienne s’emploie à diffuser et commenter l’actualité auprès des jeunes LGBT, sans hésiter à aller au clash avec les influenceurs conservateurs.
Devant une étagère remplie de peluches, Clara Sorrenti se filme en train de jouer à des jeux vidéo ou simplement de répondre aux questions des spectateurs. Elle “jure souvent, soupire régulièrement, mais hausse rarement le ton lorsqu’elle lit des tweets et des articles publiés en ligne, relate le Washington Post. Elle explique les lois et l’actualité politique à un public selon elle majoritairement constitué d’adolescents LGBTQ, et utilise fréquemment le pronom ‘nous’ pour parler d’elle, de ses abonnés et des membres de la communauté trans.”
Répondre à un besoin de modèles
La Canadienne de 28 ans, installée dans la province de l’Ontario, passe par la plateforme de diffusion en direct Twitch, sur laquelle, depuis le début de la pandémie de Covid-19, le jeu vidéo devient une toile de fond plutôt que le contenu principal, laissant place aux discussions, débats et à l’information.
Sous le pseudo de Keffals, la streameuse s’est d’abord lancée sur la plateforme pour proposer des sessions de gaming commentées classiques. Mais constatant la vague récente, depuis le début de 2021, de lois antitrans votées dans de nombreux États du voisin américain, Sorrenti a voulu prendre la parole. “Je sentais qu’il fallait que je couvre cette actu.”
À l’époque de son coming out, se souvient-elle, elle n’avait pas de modèles auxquels se référer.
“Il est important qu’il y ait des personnalités trans influentes dans le monde de la création de contenus, parce que c’est là que les jeunes s’informent.”
Au cœur d’une actualité difficile
C’est d’ailleurs en ligne qu’elle-même a trouvé des informations et une communauté pour l’aider au début de son parcours, lorsqu’elle s’est rendu compte, à 12 ans, qu’elle était trans. “Au départ, sa famille avait des réserves concernant sa transition, mais elle a fini par la soutenir”, poursuit le quotidien de Washington. “Quand elle s’est rendue en Thaïlande pour effectuer une chirurgie d’affirmation de genre en 2013, à l’âge de 18 ans, ses parents l’ont accompagnée et ont pris en charge les frais.” Keffals précise que “[sa] famille s’est rendu compte que sans un réel soutien de leur part, ça ne pouvait qu’empirer”.
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Elle milite donc pour un meilleur accès à la santé, en particulier pour les plus jeunes, par exemple aux traitements hormonaux. Or la tendance actuelle, aux États-Unis, est davantage aux politiques publiques réactionnaires. “Alors qu’elle commentait une loi de l’Alabama qui interdit la prescription de traitements d’accompagnement à des mineurs transgenres, elle s’est effondrée dans son fauteuil de bureau et a fixé la caméra. ‘Ils veulent vraiment conduire ces gamins au suicide, en fait ! Je ne sais pas à quoi va ressembler l’avenir.’ En réponse, elle a reçu un flot de messages de la part de ses fans : ‘C’est tellement nul’ ou ‘J’ai le cœur brisé’.”
Pas peur du débat
L’engagement politique de Keffals est particulièrement fort depuis l’élection de Donald Trump en 2016 : “Elle participe à des manifestations et des événements pour défendre les droits des travailleurs, le droit des peuples autochtones à disposer d’eux-mêmes ou encore pour contester la politique étrangère américaine”, détaille le Washington Post.
Au niveau provincial en 2018 et fédéral en 2019, Sorrenti se présente même à des élections canadiennes, sous l’étiquette du Parti communiste, mais réalise deux fois un faible score. “Je ne comptais pas obtenir de bons résultats, je l’ai juste fait pour acquérir une expérience politique.”
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En ligne non plus, pas question de descendre dans l’arène à reculons. Sur Twitch, Keffas n’hésite pas à croiser le fer avec des streameurs politiques conservateurs. “Ses attaques vis-à-vis d’influenceuses conservatrices très en vue, notamment Candace Owens et Lauren Southern, ou encore la romancière britannique J.K. Rowling, lui ont valu des menaces, mais aussi de l’attention et de nouveaux abonnés, rapporte le Washington Post. Elle a aussi été la cible des critiques d’une poignée d’électeurs de gauche et par ailleurs d’un flot ininterrompu d’attaques de mauvaise foi de la part de trolls et de harceleurs.”
Une forme d’émulation
Sur une plateforme telle que Twitch, de telles campagnes de haine en ligne n’ont malheureusement rien d’inédit. Les mots-clés “trans” et “lgbt” ont été mis en place dans le but d’apporter plus de visibilité ; “mais certains streameurs trans prétendent que ces nouveaux mots-clés encouragent le harcèlement”. Twitch n’a pas répondu aux sollicitations du quotidien de Washington, qui rappelle être détenu par Jeff Bezos, patron d’Amazon, la maison mère du service de streaming.
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“C’est difficile de parler des politiques antitrans ; ça doit être différent pour les streameurs hétéros ou cisgenres, parce que ça ne les touche pas personnellement”, détaille Sorrenti. Néanmoins, en plus de sa participation à des levées de fonds pour des ONG d’aide aux personnes trans, son travail commence déjà à porter ses fruits, comme l’explique Jay, 19 ans, vivant au Texas et qui s’est lancé sur la plateforme : “Elle fait bouger les choses dans le sens du progrès et rend plus compliquée la contestation des droits des trans.” Il ajoute :
“Grâce à elle, je me suis rendu compte que je pouvais créer un espace pour moi et d’autres hommes trans sur Twitch. En voyant où Keffals en est arrivée en tant que streameuse et personne trans célèbre, je me suis dit : ‘Mais oui, toi aussi tu peux le faire’.”


Publié le 11/07/2022 sur Courrier International

Merci Annabelle pour ce partage.

Je ne connaissais pas cette consoeur. Je trouve cela bien que "les jeunes" utilisent leurs moyens d'expression pour échanger et ne pas rester isolé.e chacun.e dans son coin.

C'est peut-être pour cela qu'à douze ans, elle savait qu'elle était transgenre. A son âge, je profitais des mercredis de libre pour m'habiller et me maquiller (avec ce que je pouvais) dans la glace, honteuse de ce que je faisais. Bien, bien loin de connaître l'existence de la transidentité, me croyant seul à vivre cela...

Ce combat de la visibilité dans le quotidien de la "vraie vie" et non pas uniquement comme "phénomène de société" est important. Il rejoint celui des femmes (qui a débuté bien avant : désormais personne n'est choqué de voir une femme conductrice de bus) et celui des minorités ethniques dans une société donnée (par exemple les noirs américains peuvent exercer un autre métier que celui de basketteur ou les "jeunes des cités" autre chose que d'être rappeur).

Bises