Finir l'année en beauté

En début d'année, mon employeur offre à chacun.e un chèque d'entreprise à faire valoir auprès de divers commerces. Chaque année, je le mets de côté, et l'oublie ou l'égare. Mais cette fois-ci, l'ayant retrouvé, je l'ai mis de côté pour m'en servir avant le 31, date ultime de sa validité.
Parmi la liste des enseignes partenaires, j'ai repéré celle d'un coiffeur. Ayant vérifié sur leur site internet les tarifs de leurs prestations, la somme portée sur le chèque me permettait de faire un brushing avec shampoing. Cependant, rien n'indiquait sur leur site qu'ils acceptaient ce moyen de paiement. Enhardie par ma commande téléphonique de la pizza hebdomadaire, lors de laquelle mon interlocuteur me nomme Madame, j'ai pris le risque de téléphoner au salon désiré. A la fin de l'échange, je fus rassurée lorsque mon interlocutrice termina par "A bientôt Madame".
Ce n'est pas la première fois que je me rends dans un salon de coiffure. J'avais même relaté sur le forum les premiers soins capillaires préalables avant d'effectuer une décoloration/coloration platine. Mais ce premier salon était "lgbt friendly" bien que je n'y ai jamais vu de personne transgenre. De plus, n'ayant pas la chevelure d'une femme cisgenre, j'avais indiqué clairement à la coiffeuse que j'étais "une cousine des femmes", et que je vivais de façon non binaire.
Pour ce nouveau salon, j'étais décidée à ne rien préciser sur ma transidentité, curieuse de voir comment cela allait se dérouler.

C'est le "grand jour". Profitant de ma semaine de congés, je suis arrivée sur Paris ce matin du 30 décembre, pour vérifier que tout allait bien à mon appartement délaissé depuis le reconfinement d'octobre. Mon départ étant prévu le lendemain matin, mon amant m'a proposée une balade sur Paris l'après-midi. Nous allons enfin pouvoir nous revoir. C'est pourquoi je souhaite lui plaire en donnant du mouvement à ma coiffure. Ok j'avoue, c'est aussi pour me faire plaisir :-)

La veille, j'étais allée dans une boutique que je ne connaissais pas, qui faisait un déstockage à -50%. Je voulais profiter de l'aubaine pour m'acheter une robe de soirée. J'aurai dû m'en douter ; il n'y avait que des articles d'été. Sans doute les invendus à cause de la crise sanitaire. Comme j'étais sur place, et voulant découvrir ce magasin, j'ai parcouru les rayons. Pas facile de choisir un top alors que l'on affronte les premiers primas hivernaux et qu'il fait 1° à l'extérieur. Je tombe sur une robe courte qui me plait dès le premier coup d'oeil. Ne voyant pas de taille indiquée, je m'adresse à la gérante qui était à sa caisse en train de discuter avec une amie ou une bonne cliente car elles se tutoyaient. Elle m'indique que c'est une taille unique, c'est à dire 36/38. Devant mon air dépité elle me demande ma taille habituelle : 38/40 suivant les articles. Comme cette robe me plaisait bien, je lui ai demandé si je pouvais l'essayer. N'étant pas sûre de moi, craignant d'être boudinée, je suis sortie de la cabine pour demander aux deux dames ce qu'elles en pensaient. Comme me l'a fait remarqué la commerçante, la coupe étant cintrée, le vêtement tombait bien sur ma taille, sans faire de plis. Je l'achète bien qu'elle me paraît trop courte sur moi. Mais portée avec un short, elle fera comme un top avec des volants en bas.
Avant de quitter la boutique, j'ai dit à la vendeuse que je n'avais jamais remarqué son magasin alors que je passe devant chaque semaine. Elle m'a répondu que je n'étais pas la seule cliente à le lui avoir dit. Travaillant dans le domaine de la communication, je me suis permise de lui donner quelques conseils pour se rendre plus visible aux passants. Au fur et à mesure de nos idées, celles-ci devenaient de plus en plus loufoques, si bien que nous avons fini par rire de nos bêtises.

Tant pis, mon chéri n'aura pas le plaisir de me voir dans une nouvelle robe de soirée pour fêter nos retrouvailles :-( Mais en cadeau de consolation, je lui offrirai une tête avec une coiffure plus disciplinée que d'habitude.
Je ne sais comment je me débrouille mais j'arrive souvent en retard à mes rendez-vous, et une fois de plus cela n'a pas échappé à la règle. M'étant annoncée à l'accueil du salon de coiffure, je me suis excusée pour mon quart d'heure de retard, prétextant un ralentissement à cause de travaux sur la route. Mes explications n'ont pas convaincu la patronne qui m'a dit qu'elle pensait que je n'allais pas venir. J'ai compris qu'elle me faisait remarquer, avec tact, que j'aurais dû prévenir de mon retard.
Comme entrée on fait mieux... "Installez-vous ici Madame, on va s'occuper de vous".
Assise face à un grand miroir, j'ai tout le loisir de regarder les lieux, voir les clientes présentes et les coiffeuses qui exercent. L'espace est agréable mais l'ambiance est différente du salon où j'allais jusqu'à présent, qui est beaucoup plus jeune et où les coiffeuses et les clientes se tutoient et se nomment par leur prénom. Ici on vous vouvoie en vous appelant Madame.

La patronne revient vers moi et m'aide à mettre la blouse protectrice. "C'est pour une coupe et un brushing je crois". "Non, juste un shampoing et un brushing". "Quel genre de brushing souhaitez-vous Madame ?". "Pas de wavy, juste un mouvement vers l'intérieur". "Vous n'avez jamais songé à vous faire une coupe en dégradé ?". "J'envisageais plutôt de me faire un carré long". "Un dégradé vous conviendrait mieux Madame". Et elle me montre l'effet rendu, dessinant avec ses doigt un ovale autour de mon visage. C'est vrai que cela pourrait m'aller, surtout que je pourrais garder les cheveux longs, ma femme me préférant ainsi.
Commerçante, elle poursuit. "Pensez-vous Madame refaire prochainement votre coloration ?". "J'ai prévu au début de l'été, fin juin ou début juillet". "Vos cheveux ont besoin d'être hydratés. Faites-vous régulièrement des soins ?". "Oui, j'utilise tel produit et en suis satisfaite".
Quand on voit sa tête après le shampoing, on prend peur ! On se trouve affreuse et on s'inquiète de savoir comment la coiffeuse va réussir à faire un miracle. Mais comme par magie, au fur et à mesure du brushing, la couleur est ravivée et on sourit (à défaut de rire) de se voir si belle en ce miroir.
"Malgré mes cheveux fins, j'aimerais que le brushing puisse tenir jusqu'à ce soir". "C'est vrai que vos cheveux sont très fins. Avec votre accord Madame, je finaliserai par quelques spray de laque". "Oui bien sûr, surtout qu'en plus ils sont peu épais. Pensez-vous que des extensions puissent leur donner du volume ?". "Certainement, et nous proposons ce genre de prestation. Par contre Madame, il vous faudra prendre rendez-vous par téléphone car l'option n'est pas proposée en ligne. On vous donnera un premier rendez-vous pour choisir la couleur et la longueur, afin de commander les extensions qui seront livrées trois jours plus tard. On fixera un autre rendez-vous pour l'application. Pour cela on utilise une technique à base de colle". "Cela ne risque-t-il pas d'abîmer les cheveux ?". "Ne vous inquiétez pas Madame, nous avons des extensions spécialement adaptées pour les cheveux fins, pour ne pas les alourdir". "Combien de temps faut-il prévoir pour la pose ?". "Trois à quatre heures de travail car pour vous il sera nécessaire de faire la tête entière. On les disposera à ce niveau afin que cela puisse vous donner un beau volume". "Et quel est le tarif s'il vous plaît ?". "Cela vous coûtera tel prix et vous pourrez les garder quatre mois".
Je la remercie pour le résultat du brushing qui me plait bien (on ne peut pas demander l'impossible quand on a les cheveux fins et raides) et m'excuse à nouveau pour mon retard.

Je sors du salon toute heureuse de ce premier contact, pendant lequel j'ai la faiblesse de croire que je fus considérée comme une cliente comme une autre. On peut me rétorquer que la coiffeuse n'a pas été dupe en voyant mon implantation capillaire, mais si ce fut le cas, elle n'a rien laisser apparaître, n'effectuant aucun changement dans son attitude de professionnelle vantant ses prestations et produits, pour la satisfaction de sa clientèle.
Je rejoins mon amant, mais cela est une autre histoire ;-)

Le lendemain matin, je me rends à l'hypermarché pour effectuer les derniers achats pour le réveillon du soir. Ma femme m'ayant envoyé un texto pour me demander de lui prendre un produit de beauté, je passe par l'espace maquillage.

Si j'ai pris le temps de vous raconter mes sorties féminines des trois derniers jours de l'année 2020, c'est parce que je me suis rendue compte que chacune concernait un lieu où je n'aurai jamais imaginé pouvoir m'y rendre. Quand j'avais vingt ans, je n'osais pas contempler à ma guise les vêtements exposés dans les boutiques de mode féminine, alors y franchir le seuil, je n'y pensais même pas. Quand aux salons de coiffure, c'était pour moi des antres interdites aux hommes, dans lesquelles s'y révélaient les secrets de la féminité. Pour le maquillage, j'en achetais parfois, tout honteux du regard de la vendeuse, et pas à l'aise au milieu des clientes. J'avais l'impression d'être un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Et aujourd'hui, je m'autorise à entrer dans n'importe quelle boutique de mode, à choisir tranquillement mes produits de maquillage et aussi, pour la première fois, à me rendre dans un salon de coiffure sans prévenir que je suis transgenre.
Cela n'a jamais été un objectif car pour se donner un but il faut croire qu'il soit possible de l'atteindre alors que pour moi, ce n'était même pas dans le champ du réalisable. C'est grâce à ma confiance en la réaction des autres, qui me laisse penser qu'ils ne s'étonnent pas lorsqu'ils me voient ni lorsque qu'ils m'entendent, que je suis passée du rêve à l'expérience concrète. Certes, je ne peux pas faire "illusion" le temps d'une conférence mais ce n'est pas non plus nécessaire de tenir un long discours quand on demande des conseils ou plaisante lors d'un achat ou d'une prestation de beauté.

Sur un autre sujet du forum, j'avais écrit avec provocation le terme de "femme masculine". Cela signifie que je préfère être considérée comme une femme cisgenre, avec des caractéristiques masculines.
Etre connue comme femme transgenre, c'est être vue par les autres comme un homme qui a opté un moment de sa vie, pour les raisons qui le regardent, de vivre en tant que femme. Et cela, il est difficile de le faire oublier à nos interlocuteurs, même si cela n'empêche pas d'avoir des rapports sociaux satisfaisants.
Je dis cela alors que je sais que je ne peux pas m'autoproclamer femme transgenre, ne vivant pas en full-time.
Je suis ausi consciente que mes expériences se limitent à des moments agréables de loisirs, et je suis loin de vivre au quotidien en tant que femme responsable. Pour reprendre l'expression d'une amie du forum, je suis comme une adolescente qui découvre sa féminité, aux plaisirs qu'elle lui apporte.

Depuis que j'ai écrit ce texte, je suis allée faire mes courses hebdomadaires, comme tous les samedis. Ce 2 janvier, une mésaventure me fait dire que si l'année a bien terminé, la nouvelle commence mal. Ne trouvant pas un produit ménager, je me suis adressée à une vendeuse. J'ai senti que ma voix était trop aiguë, et donc pas naturelle. D'ailleurs, elle a faillit m'appeler Monsieur, quand je l'ai remerciée. "Au revoir Mon" et elle s'est arrêtée net pour reprendre "Madame". J'avoue que cela m'a vexée. Pour me rassurer, j'ai initié une discussion avec la caissière qui m'a nommée "Madame" du début à la fin. Ouf, sauvée :-) Mais cet incident me renforce dans mon idée d'entreprendre un travail avec un.e orthophoniste.

Bises

Me voici avec mon brushing, La photo de gauche a été prise une heure après ma sortie du salon, et celle de droite deux heures plus tard. Vous voyez comment tient un brushing avec mes cheveux :-(

Comme ton histoire, tu es très jolie Daniéla et le brushing n'est pas essentiel

..


merci pour ce tres beau recit ... riches d enseignements pour toi .. comme pour nous ..!!!

Avec Loue vous êtes des lumières éclairant nos obscurs espoirs

et puis ...

tu es su-per-be !!!!!

Béatrice a écrit:..
nos obscurs espoirs

Hééé hooo Béa 2020 est terminé on commence une Année nouvelle et il faut resté positive , en princippe a moins que la fin du monde , cette Année ne pourra pas être pire que celle qui viens de ce terminée , n oublie pas que tu es l' Amiral du vaisseau AGORA

Récit magnifique qui m'encourage et qui je l'espère encouragera d'autres.
Merci pour ce partage si précieux... et que dire des photos
Bizzz

jacqueline Rose a écrit:
Hééé hooo Béa 2020 est terminé on commence une Année nouvelle et il faut resté positive , en princippe a moins que la fin du monde , cette Année ne pourra pas être pire que celle qui viens de ce terminée , n oublie pas que tu es l' Amiral du vaisseau AGORA

Lilas Mauve a écrit:Récit magnifique qui m'encourage et qui je l'espère encouragera d'autres.
Merci pour ce partage si précieux... et que dire des photos
Bizzz  

je ne voulais pas dire autre chose Jacqueline

Hihi, puisqu'on parle ce com', cette contribution de Daniela me fait penser à la formule "le poids des mots, le choc des photos" . . . une bien jolie façon de finir l'année . . . qui fait bien plaisir à lire . . et avec le sourire en prime, tout un symbole, tellement rare en ce moment . . .

Oui oui, Daniella, merci pour ce récit. qui me fait revivre deux moments passés (deux seulement hélas) et bravo pour tes photos tu es superbe. Tu es bien armée pour une année 2021 qui ne pourra qu'être meilleure pour nous toutes !!

Coucou Daniela

merci pour ce long témoignage qui en ce début d'année morose nous mets du baume au cœur et nous dit que tout reste encore possible et réalisable
Mais, et parce qu'il (presque) toujours un mais, tu pars avec quelques longueurs d'avance sur moi. car quoique tu en dises, je te considère comme une femme. comment croire en voyant tes photos que tu pusses être autre chose.

Hello Daniela,
je relis ce reportage que j'avais parcouru hier sur mon tel, vraiment c'est très agréable, frais, sympa et joyeux , même un moment peu agréable t'invite à rebondir pour rester sur cette belle dynamique que tu nous communiques dans tes récits , merci et belle journée à toi .

Bonjour Daniela,
quel merveilleux récit que tu nous narre et quel bonheur que cela a dû être de vivre de tels moments en étant pleinement considérée comme une femme. D'ailleurs en regardant les photos de ta sortie, je ne vois rien d'autre qu'une femme élégamment vêtue : difficile de t'appeler "monsieur" ainsi apprêtée.

Quel plaisir de te lire Daniela !
Cela fait un bien fou ! Tu ne peux imaginer.
Tu nous fais vivre joliment chaque instant.
Merci à toi.
Et ce que tu es belle sur ces deux photos ! Ton sourire doit faire fondre tous les hommes !
Bises.
Isalane

Merci les amies. Avec de tels retours de votre part, je regrette de ne pas écrire plus souvent :-)

Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela me rend heureuse de savoir que cela vous encourage à laisser épanouir votre féminité.

Quant à la mienne, en me relisant, j'ai compris que mon parcours est de pouvoir la vivre de façon la plus libre.

J'ai porté cette féminité comme un fardeau ; aujourd'hui, je sens que c'est ma masculinité qui commence à me peser.

Suis-je en train de traverser le miroir... ?

Bises

Daniela a écrit:Merci les amies. Avec de tels retours de votre part, je regrette de ne pas écrire plus souvent :-)

Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela me rend heureuse de savoir que cela vous encourage à laisser épanouir votre féminité.

Quant à  la mienne, en me relisant, j'ai compris que mon parcours est de pouvoir la vivre de façon la plus libre.

J'ai porté cette féminité comme un fardeau ; aujourd'hui, je sens que c'est ma masculinité qui commence à me peser.

Suis-je en train de traverser le miroir... ?

Bises

Merci pour ce récit vivant de ta vie de femme...

lorsque tu parles de traverser le miroir je pense que c'est déjà le cas mais tu dois encore le réfuter simplement..


tu es merveilleuse de bonheur et radieuse dans ta féminité.

galwenne a écrit:lorsque tu parles de traverser le miroir je pense que c'est déjà le cas mais tu dois encore le réfuter simplement..

J'aimerais en être aussi certaine que toi.

galwenne a écrit:tu es merveilleuse de bonheur et radieuse dans ta féminité.

Merci Galwenne, c'est adorable de ta part de m'encourager dans ma découverte des aspects sociaux féminins.

Bises

Effectivement ta féminité te va bien.
Bonne année
Moi je n ai plus de cheveux alors les coiffeurs C est pas possible.
Portes toi bien.

tu es très jolie, un sourire qui respire la joie de vivre et une chevelure qui fait envie quand je pense que les miens poussent à l'intérieur!

Coucou Daniéla , tu est resplendissente ! si on te dit madame au téléphone c'est que ta voix est déja bien crédible pour des conversations courtes , bravo il faut continuer ! je pense que tu va arriver à un stade ou le" mégenrage" ne sera plus qu'un mauvais souvenir :bohner:

Je pense que la question d' être perçue comme une femme trans n'est pas un problème en soi car les gens ressentent la personne que tu est présentement et celle qu tu va devenir , c'est à dire une femme

Pour citer le témoignage du jeune femme trans élue maire de sa commune en juin dernier , à la question est ce que votre transidentité a posé un problème ? répondait , ils ont d'abord voté pour une personne , et voila , tout est dit !

Gros bisous Michelle

Merci pour vos encouragements les amies.

Cela me rassure sur le fait que je ne suis pas dans un délire d'auto-persuasion.

Bises

CAROLINE a écrit:Oui oui, Daniella, merci pour ce récit. qui me fait revivre deux moments passés (deux seulement hélas)

Caroline, je suis sans doute trop curieuse mais je crois que je ne suis pas la seule à être intéressée par tes expériences des salons de coiffure.

C'est juste une demande, certes un peu appuyée mais néanmoins amicale, pour que tu nous partages tes aventures capillaires. :-)

Bises