Choses sérieuses

Les choses prennent une tournure plus sérieuse pour moi. Cet été, ma compagne de 7 années et moi avons rompu dans un contexte assez difficile, quoiqu'en bonnes relations. Nous avons atteint mutuellement nos limites, non seulement par rapport à ma nature, mais aussi face à d'autres problèmes récurrents. Je considérais la rupture assez franchement depuis des mois, mais ça m'a néanmoins lancée dans quelques semaines très sombres, dont j'émerge tranquillement.

Pendant ces moments difficiles, j'ai pour la première fois mis le pied dans le système de la santé, et ce pour des raisons psychologiques. Les interventions auxquelles j'ai eu droit jusqu'ici consistent surtout en un court suivi avec un psychologue destiné à résorber mes idées noires. J'ai aussi eu affaire très brièvement, dans le contexte d'une urgence, à un psychiatre, qui n'a rien fait, à part plisser des yeux énigmatiquement, considérant que j'étais en bonne santé mentale... Et enfin à une infirmière de première ligne dont l'intervention a été odieuse. J'en parlerai peut-être autre part. J'ai réussi à obtenir un congé pour maladie, dont je profite en ce moment, pour me reposer et faire face à quelques vieilles problématiques jamais réellement affrontées.

La question des idées noires s'est résorbée, mais la dimension transgenre, depuis la rupture, prend toute la place que je n'ai jamais eu le loisir de lui accorder. Puisque je suis dans le système, je suis tentée de foncer, enfin. Je précise que je parle ici du système québécois.

J'ai bien peur d'un retour au travail compliqué par l'intensité du féminin. J'ai commencé à recueillir adresses et informations médicales et bureaucratiques pour entamer éventuellement une transition. Le psychologue que je vois refuse de s'en mêler. Je devrais carrément l'éduquer de toute façon, vue la façon dont il me me répond "vie privée" ou "fantasmes sexuels" quand je lui parle "incarnation différente" et "dimension sociale". Il me faudra donc en dénicher un qui soit familier avec ces questions, assurément loin de chez moi et à grand frais. Je n'en ai d'ailleurs pas les moyens.

Je me suis présentée, verbalement et en photo, à l'un de mes frères, qui a très bien reçu la nouvelle. Je laisse mes parents se remettre de problèmes de santé, mais je ne crois pas que je pourrai garder longtemps le secret. En parler à un membre de la famille a représenté une étape assez décisive, lancé un train qui ne s'arrêtera probablement pas.

J'ai aussi convenu d'un rendez-vous imminent avec cette historienne transgenre dont j'ai déjà parlé en ces pages. Elle me recevra chez elle pour discuter de son parcours et du miens.

J'ai un peu le vertige. Mais de plus en plus la conviction que je n'y échapperai pas. J'ai aujourd'hui de la difficulté à me projeter dans l'avenir en homme, et un tel enthousiasme à le faire en femme, même si les étapes et l'arrivée ne sont pas toujours réjouissants.

J'ai vraiment l'impression que j'entre dans les choses sérieuses. Très sérieuses et concrètes.

Avec les membres de ce site, je me sens honorée de ta confiance, qui nous hisse au rôle de confidentes, sur un sujet très , très sérieux comme tu le dis.
En tant que confidente, je me sens obligée de t'inciter à la plus grande prudence dans tes décisions car celles-ci, en fin de parcours, sont irréversibles. 
Il faut te méfier de l'enthousiasme causé par cette soudaine liberté. L'aventure de l'exploration de l'autre sexe est tellement extraordinaire, équivalente pour moi à un voyage sur la Lune  .
Mais, il ne faut pas oublier que, aussi loin que tu iras dans ce sens, à la fin des fins, tu resteras un homme. Eh oui, la nature est inflexible.
Jouer les rabat-joie,ne m'empêche pas de te souhaiter de profiter à fond de chaque étape du voyage, que tu entreprendras peut-être.
Bonne chance Mimi. Tiens nous au courant de l'évolution des choses, si tu as envie de communiquer avec des consoeurs compréhensives. L'expérience  d'anciennes, qui ont suivi le même chemin, peuvent t'être d'un grand secours dans ton questionnement.

:bezou: :bezou: :bezou:

Merci Helyette et oui tu as raison. Je ne suis pas de celles qui brulent les étapes, au contraire je suis plutôt lente et prudente. Il est clair pour moi que je deviendrai une TG et non une femme bio.

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merci Mimi de nous confier tes confidences :kissgir: 


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Connaissant un peu Mimi, je ne peux que confirmer sa grande prudence. Mais aussi un grand paradoxe dans sa démarche, si je compare au "parcours traditionnel" des travestis. De France... Serait ce la différence culturelle qui veut ça? :suspect: 

Plaisanterie mis à part, ce qui me surprend chère Mireille, c'est la timidité qui est la tienne concernant les sorties en public opposée à des réactions telles que:
"Je me suis présentée, verbalement et en photo, à l'un de mes frères, qui a très bien reçu la nouvelle. Je laisse mes parents se remettre de problèmes de santé, mais je ne crois pas que je pourrai garder longtemps le secret. En parler à un membre de la famille a représenté une étape assez décisive, lancé un train qui ne s'arrêtera probablement pas."
ou encore
"J'ai aussi convenu d'un rendez-vous imminent avec cette historienne transgenre".
Ces actes là sont ceux de personnes qui préparent un coming out. Ta démarche est très honnête vis à vis de tes proches comme de toi même. Mais c'est bien rare de voir quelqu'un fonctionner comme ça. Le plus souvent, le Tg a déjà un passé conséquent avant d’en arriver là. Souvent, des années de pratique en public et une aisance acquise dans un rôle social féminin. C'est d'ailleurs cette aisance qui amène le Tg a songer à adopter définitivement le rôle féminin. (Une autre catégorie genre super nova existe mais c'est pas le propos)
Toi, tu sembles semble fonctionner de manière différente.  C'est surprenant...  :secre: 

:bisou:

Merci Béa pour l'écoute, et Morgane pour ces remarques qui me semblent très justes...

Je ne crois pas que ce soit culturel puisque "mes collègues" québécoises répondent généralement au processus plus conventionnel que tu décris. Je crois qu'en ce qui me concerne, je me suis beaucoup développée de l'intérieur avant de me projeter concrètement, d'exister physiquement. J'ai beaucoup (trop?) réfléchi à ce que je suis et à ce que ça implique. J'ai aussi eu des relations suivies virtuellement, au tout début de mon parcours en me présentant carrément comme une femme, ce qui m'a permis, des années durant, de développer quelque chose comme une psyché féminine... une façon de réagir, de penser, un certain humour, etc...

Parallèlement bien sûr j'ai toujours eu le besoin d'être au delà de cet esprit virtuel et très intérieur, de m'incarner. Mais longtemps mes moyens ont été très limités, financièrement notamment, et je n'arrivais même pas à la cheville de mon idéal. Mon apparence a longtemps été surtout une déception: Vêtements démodés, glanés ici et là, non ajustés à ma taille, maquillage déficient, tout ça. On connait toutes cette étape je pense. Ainsi donc, le développement de mon apparence et celui de mon esprit ont été parallèles, séparés, évoluant à des rythmes différents, l'intérieur avançant plus rapidement. Je sors d'une relation amoureuse dans laquelle j'étais acceptée, mais où je devais aussi me limiter, pour épargner ma compagne, pour éviter de brûler des étapes. Je me suis énormément développée pendant ces années, mais quand je considérais l'existence publique, je devais aussi penser aux conséquences pour elle.

Le plus grand obstacle aux sorties, à une existence de fille normale, publique, c'est moi-même. J'imagine que je ne m'accepte pas encore complètement, que j'idéalise un peu trop la personne que j'aimerais être. Ce temps tire à sa fin! :)

xx

mimi_qc a écrit:Ce temps tire à sa fin! :)
xx

Ca promets! ^^
xx