Deuil
+8
galwenne
Annabelle46
chantal92
jacqueline Rose
Lou
Stebannie Dupont
Helyette
Michele-Anne
12 participants
Page 1 sur 1
Deuil
Comme certaines d'entre vous le savent, ma mère est décédée le 25 Décembre dernier. C'est étrange de simplicité, vous savez: l'instant d'avant, la personne est là, vivante, avec vous; l'instant d'après, elle n'est plus là et ne laisse plus à votre compagnie qu'une dépouille, un écho inerte d'elle-même et figé dans son dernier état, très loin de la personne que vous avez connue. L'instant entre les deux reste un mystère qui nous sera évidemment révélé comme aux millions de morts de l'humanité depuis qu'elle existe, et dont nous ne pourrons plus alors instruire quiconque de ceux qui n'auront pas encore gagné "les sombres bords" du Cocyte.
Comme me le faisait remarquer une amie, la perte d'une mère a pour des êtres comme nous une portée particulière. Car ce n'est pas qu'une mère, c'est aussi la première femme à nous avoir servi de modèle, soit pour le suivre, soit pour le repousser; Je ne parle même pas du fait que nous avons souvent grandi dans ses jupes, c'est dire dans celle de son armoire; et pour toutes celles d'entre nous qui n'ont pas eu de soeur de leur âge, c'était même une obligation.
Officiellement, ma mère n'a jamais su, pour moi. Mais, franchement, comment ne l'aurait-elle pas su, elle qui m'a surprise à trois reprises dans ses atours lors de mon adolescence tourmentée, elle qui voyait fondre ses produits de maquillage, elle qui, ouvrant en mon absence la valise que j'avais préparée pour "monter à Paris" dans le but de la garnir de quelques préventions maternelles, n'y a trouvé que des affaires de fille et l'a discrètement refermée sans y faire allusion par la suite ?
Nous n'en avons jamais parlé. Qu'a t'elle pensé, qu'a t'elle imaginé, qu'a t'elle redouté pour moi? Je n'en ai aucune idée claire. Je lui en ai fait voir sur tellement d'autres plans, tant j'étais mal dans ma peau, que cela a peut-être pu lui paraître broutilles inutiles à soulever, alors que c'était en fait la clef de tout le reste, je le sais aujourd'hui.
Peut-être a t'elle pu penser aussi que c'était de sa faute, elle qui avait tant désiré une fille, selon un écho que j'ai indirectement recueilli un jour, et que certaines photos de ma première enfance visibles dans "l'album de la dinosaurette", où je fais une belle petite fille (la plus naturelle que j'ai jamais été) confirment avec force, et peut-être s'est-elle rongé les sangs en se demandant ce qu'il fallait faire pour "réparer", ne trouvant pas de solution et restant alors dans l'indécision et le silence.
Née dans les années vingt, ma mère n'était pas d'une génération tout à fait apte à gérer ce genre de situations sans doute très inconfortable pour elle. Mais aujourd'hui, là où elle est, elle doit savoir que non, ce n'était pas de sa faute, qu'il n'y avait rien à faire, que ce sont des choses qui arrivent et que c'est tout. Comme dit à peu près Schopenauer (je cite de mémoire, et de plus j'adapte un peu sa pensée), cela ne coûte pas plus à la nature de produire des merveilles ordinaires que des étrangetés.
Bien sûr, je regrette qu'elle n'ait pas connu ma personnalité profonde, celle dont la reconnaissance m'aurait épanouie et aurait donc considérablement apaisé nos relations; je regrette qu'il n'ait pas été possible de lui montrer quelle fille, puis quelle femme j'étais. Je regrette que nous n'ayons pu partager le bien-être qui serait né de cette indicible connivence qu'aurait établie la révélation de ma nature secrète et notre acceptation réciproque de celle-ci. Mais, là encore, spiritualiste éhontée, je sais que, dans ce nouveau monde qu'elle explore, tout cela est enfin accessible, à elle comme à moi.
La question qui se pose désormais est celle de savoir ce que je vais faire de ce nouvel état de relation qui est le nôtre, pour elle, pour moi et pour vous.
Je vous embrasse.
Comme me le faisait remarquer une amie, la perte d'une mère a pour des êtres comme nous une portée particulière. Car ce n'est pas qu'une mère, c'est aussi la première femme à nous avoir servi de modèle, soit pour le suivre, soit pour le repousser; Je ne parle même pas du fait que nous avons souvent grandi dans ses jupes, c'est dire dans celle de son armoire; et pour toutes celles d'entre nous qui n'ont pas eu de soeur de leur âge, c'était même une obligation.
Officiellement, ma mère n'a jamais su, pour moi. Mais, franchement, comment ne l'aurait-elle pas su, elle qui m'a surprise à trois reprises dans ses atours lors de mon adolescence tourmentée, elle qui voyait fondre ses produits de maquillage, elle qui, ouvrant en mon absence la valise que j'avais préparée pour "monter à Paris" dans le but de la garnir de quelques préventions maternelles, n'y a trouvé que des affaires de fille et l'a discrètement refermée sans y faire allusion par la suite ?
Nous n'en avons jamais parlé. Qu'a t'elle pensé, qu'a t'elle imaginé, qu'a t'elle redouté pour moi? Je n'en ai aucune idée claire. Je lui en ai fait voir sur tellement d'autres plans, tant j'étais mal dans ma peau, que cela a peut-être pu lui paraître broutilles inutiles à soulever, alors que c'était en fait la clef de tout le reste, je le sais aujourd'hui.
Peut-être a t'elle pu penser aussi que c'était de sa faute, elle qui avait tant désiré une fille, selon un écho que j'ai indirectement recueilli un jour, et que certaines photos de ma première enfance visibles dans "l'album de la dinosaurette", où je fais une belle petite fille (la plus naturelle que j'ai jamais été) confirment avec force, et peut-être s'est-elle rongé les sangs en se demandant ce qu'il fallait faire pour "réparer", ne trouvant pas de solution et restant alors dans l'indécision et le silence.
Née dans les années vingt, ma mère n'était pas d'une génération tout à fait apte à gérer ce genre de situations sans doute très inconfortable pour elle. Mais aujourd'hui, là où elle est, elle doit savoir que non, ce n'était pas de sa faute, qu'il n'y avait rien à faire, que ce sont des choses qui arrivent et que c'est tout. Comme dit à peu près Schopenauer (je cite de mémoire, et de plus j'adapte un peu sa pensée), cela ne coûte pas plus à la nature de produire des merveilles ordinaires que des étrangetés.
Bien sûr, je regrette qu'elle n'ait pas connu ma personnalité profonde, celle dont la reconnaissance m'aurait épanouie et aurait donc considérablement apaisé nos relations; je regrette qu'il n'ait pas été possible de lui montrer quelle fille, puis quelle femme j'étais. Je regrette que nous n'ayons pu partager le bien-être qui serait né de cette indicible connivence qu'aurait établie la révélation de ma nature secrète et notre acceptation réciproque de celle-ci. Mais, là encore, spiritualiste éhontée, je sais que, dans ce nouveau monde qu'elle explore, tout cela est enfin accessible, à elle comme à moi.
La question qui se pose désormais est celle de savoir ce que je vais faire de ce nouvel état de relation qui est le nôtre, pour elle, pour moi et pour vous.
Je vous embrasse.
Béatrice, Annabelle46, Lilas Mauve, Gwendoline, aline30010, Catherine Dupre et jennyfer aiment ce message
Re: Deuil
Beaucoup se re connaîtront dans ton deuil M-A et tu en parles si bien. J'ai une pensée pour toi
Helyette- Messages : 3446
Date d'inscription : 25/10/2010
Age : 78
Localisation : Lorraine
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
Il n'en reste pas moins un bien triste moment.
La mienne était au courant, ça ne l'a pas empêchée de partir ni adouci ma peine . . . .
Toutes mes condoléances
La mienne était au courant, ça ne l'a pas empêchée de partir ni adouci ma peine . . . .
Toutes mes condoléances
Stebannie Dupont- Messages : 3487
Date d'inscription : 14/09/2018
Re: Deuil
Bonsoir Michelle-Anne,
ton texte me "parle" , j'ai accompagné la mienne, de maman, en 2019 , les mêmes questionnement me traversent, comment n'aurait elle pas remarqué mes "emprunts" (je fais 2 tailles mini de plus) , impossible également de communiquer, pour des raisons différentes que les tiennes mais un sentiment amère de n'avoir pas pu partager ces moments en les rendant paisibles et pas conflictuels .
Je ne sais pas si cette " guerrière " de l'existence me voit depuis " la pièce d'à coté " ? Je porte certaines de ces bagues à chacune de mes sorties , pas un hommage , pas de fétichisme , juste une complicité à rebours .
J'ignorais cet événement , je t'embrasse très sincèrement .
ton texte me "parle" , j'ai accompagné la mienne, de maman, en 2019 , les mêmes questionnement me traversent, comment n'aurait elle pas remarqué mes "emprunts" (je fais 2 tailles mini de plus) , impossible également de communiquer, pour des raisons différentes que les tiennes mais un sentiment amère de n'avoir pas pu partager ces moments en les rendant paisibles et pas conflictuels .
Je ne sais pas si cette " guerrière " de l'existence me voit depuis " la pièce d'à coté " ? Je porte certaines de ces bagues à chacune de mes sorties , pas un hommage , pas de fétichisme , juste une complicité à rebours .
J'ignorais cet événement , je t'embrasse très sincèrement .
Lou- Messages : 3802
Date d'inscription : 22/11/2019
Age : 64
Localisation : Chalon sur Saone
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
Je n étais pas au courant de ce drame qui t a frappée , je te présente mes plus sincères condoléances .
jacqueline Rose- Messages : 4853
Date d'inscription : 20/12/2014
Localisation : Chatillon en Bazois (58)
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
"Oh ! l'amour d'une mère ! amour que nul n'oublie !" (Hugo, bien sûr...)
Que tu nous écrives ce texte très émouvant est un grand signe d'amitié, qui nous honore.
Merci, et avec ma sympathie attristée
Que tu nous écrives ce texte très émouvant est un grand signe d'amitié, qui nous honore.
Merci, et avec ma sympathie attristée
chantal92- Messages : 4434
Date d'inscription : 11/05/2015
Age : 74
Localisation : présente sur la carte
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
Magnifique texte M A, il raisonne fortement dans mon cœur ayant moi aussi perdu ma mère il y a maintenant une dizaine d'année.
J'ai conservé des robes et une paire d'escarpin que j'avais porté lors de ma découverte de la féminité.
Elle m'avait ainsi que m'à grand-mère surprise dans ses tenues, elle ne m'avait fait aucun reproche sur l'instant contrairement à ma grand-mère, Plus tard j'ai appris que c'est une fille qu'elle aurait voulu et comme toi j'ai retrouvé des photos ou j'étais comme une petite fille.
La disparition de sa mère est un grand vide qu'il faudra combler avec le temps, je te souhaite d'y arriver rapidement et pense à toi dans ces jours difficiles.
Bises
J'ai conservé des robes et une paire d'escarpin que j'avais porté lors de ma découverte de la féminité.
Elle m'avait ainsi que m'à grand-mère surprise dans ses tenues, elle ne m'avait fait aucun reproche sur l'instant contrairement à ma grand-mère, Plus tard j'ai appris que c'est une fille qu'elle aurait voulu et comme toi j'ai retrouvé des photos ou j'étais comme une petite fille.
La disparition de sa mère est un grand vide qu'il faudra combler avec le temps, je te souhaite d'y arriver rapidement et pense à toi dans ces jours difficiles.
Bises
Annabelle46- Messages : 2246
Date d'inscription : 28/10/2010
Age : 77
Localisation : Département du lot
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
L'amour d'une mère, le départ d'un être cher tous des questionnement qui tourmentent inlassablement
La relation d'une mère avec un fils est telle, que son comportement à l'âge adulte et bien souvent le fruit de cette relation.
Ces relations, normales normalement sont fusionnelles jusqu'au moment ou le jeune adulte coupe le cordon ombilical qui a été le lien nourricier durant toute sa prime jeunesse.
La découverte non explicite de ton moi intérieur n'a été pour elle qu'une péripétie et comme tu ne lui en a pas parlé, elle n'avait elle, aucune raison de te mettre mal à l'aise..
Telle est la psychologie d'une mère aimante qui garde pour elle ses secrets..
Aujourd'hui, il est important de laisser son astral rejoindre le grand tout et de ne pas la retenir sur cette dimension qui ne lui est plus appropriée..
La relation d'une mère avec un fils est telle, que son comportement à l'âge adulte et bien souvent le fruit de cette relation.
Ces relations, normales normalement sont fusionnelles jusqu'au moment ou le jeune adulte coupe le cordon ombilical qui a été le lien nourricier durant toute sa prime jeunesse.
La découverte non explicite de ton moi intérieur n'a été pour elle qu'une péripétie et comme tu ne lui en a pas parlé, elle n'avait elle, aucune raison de te mettre mal à l'aise..
Telle est la psychologie d'une mère aimante qui garde pour elle ses secrets..
Aujourd'hui, il est important de laisser son astral rejoindre le grand tout et de ne pas la retenir sur cette dimension qui ne lui est plus appropriée..
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
Toutes mes condoléances Michèle.
Je viens de découvrir ton beau texte et il me touche beaucoup.
Il amène en soi beaucoup d'émotion et de réflexion.
Je vais me contenter de réagir à deux points.
Ce n'est pas à sa mère d'aborder le sujet de notre transidentité, même si elle le suppose ou le sait. C'est à chacune d'entre nous.
Et le fait de n'avoir pas osé le faire, pour quelque raison que ce soit, apporte des regrets.
Bises sororitelles
Je viens de découvrir ton beau texte et il me touche beaucoup.
Il amène en soi beaucoup d'émotion et de réflexion.
Je vais me contenter de réagir à deux points.
Ce n'est pas à sa mère d'aborder le sujet de notre transidentité, même si elle le suppose ou le sait. C'est à chacune d'entre nous.
Et le fait de n'avoir pas osé le faire, pour quelque raison que ce soit, apporte des regrets.
Bises sororitelles
Daniela- Messages : 1943
Date d'inscription : 21/10/2014
Localisation : RP
Re: Deuil
Bonjour Michèle,
Chacun, chacune d'entre nous met dans le départ d'un proche une part très personnelle.
Ce que tu vis en ce moment est la résultante de ta propre histoire et de la relation intime avec ta maman.
Nous ne sommes que des lectrices bien désarmées face à cela.
Pour autant je partage tes interrogations et ta peine.
Quoiqu'il en soit, ta maman a marqué le monde à sa manière. Tant que tu vivras, tu prolongeras son existence au travers de ta mémoire.
C'est peut être une maigre consolation mais un moyen de lui rendre honneur quelque soit les regrets.
Amicalement
France
Chacun, chacune d'entre nous met dans le départ d'un proche une part très personnelle.
Ce que tu vis en ce moment est la résultante de ta propre histoire et de la relation intime avec ta maman.
Nous ne sommes que des lectrices bien désarmées face à cela.
Pour autant je partage tes interrogations et ta peine.
Quoiqu'il en soit, ta maman a marqué le monde à sa manière. Tant que tu vivras, tu prolongeras son existence au travers de ta mémoire.
C'est peut être une maigre consolation mais un moyen de lui rendre honneur quelque soit les regrets.
Amicalement
France
France- Messages : 46
Date d'inscription : 16/03/2018
Localisation : Limoges
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
Toutes mes condoléances très beau texte très émouvant
Bon courage à toi
Caroline
Bon courage à toi
Caroline
carolineladouceur- Messages : 64
Date d'inscription : 13/06/2019
Age : 57
Michele-Anne aime ce message
Re: Deuil
On ne se connais pas, mais je te présentes toutes mes condoléances en ce moment difficile.
La perte de un être cher est toujours une épreuve.
Je te souhaites pleins de courage.
Mes amitiés t accompagne.
Chan
La perte de un être cher est toujours une épreuve.
Je te souhaites pleins de courage.
Mes amitiés t accompagne.
Chan
Chan- Messages : 15
Date d'inscription : 30/11/2020
Michele-Anne aime ce message
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|